Burn Out : quels déclencheurs? Le psychologue et la souffrance au travail

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En tant que psychologue, c’est au travers d’une vignette clinique, que je vais tenter de vous entrainer avec moi dans l’histoire de ce terrible moment de décrochage qu’est le burn out, qui fait souvent trace dans l’histoire du sujet et […]

En tant que psychologue, c’est au travers d’une vignette clinique, que je vais tenter de vous entrainer avec moi dans l’histoire de ce terrible moment de décrochage qu’est le burn out, qui fait souvent trace dans l’histoire du sujet et fonde une nouvelle place dans sa relation au travail. Mon collègue p a évoqué le nécessaire équilibre de la jouissance du signifiant et de la jouissance du corps. Nous nous promènerons ici sur l’axe jouissance / castration afin de vous illustrer 1) la nécessaire aliénation du sujet à un trait identificatoire pour tenter de  réparer une identification insupportable, 2) Les impasses du sujet pris dans les rets de cette aliénation et l’exploration des solutions propres, 3) Le paiement de la dette symbolique, la jouissance de la castration et la position du maître.

Les traits signifiant qui aliènent le sujet : les paroles de la mère

« J’avais que des mauvaises notes. Les examens, c’était le vide total, le blanc je rendais des copies vides. Ma mère me demandait toujours : « Qu’est ce que tu as eu comme notes ?! ». Elle faisait les devoirs avec moi, elle criait « cancre, bon à  rien, tu feras jamais rien ! ». Elle me donnait des baffes.  A l’école je faisais des constructions en allumettes, c’était la fierté des amis de mes parents mais ma mère disait : « tu devrais travailler plus au lieu de faire ça, tu travailles pas assez, tu penses qu’à t’amuser ! ». Ainsi, Mr V est « le bon à rien », « le pas assez ». Mr V est aujourd’hui à la tête d’une grosse entreprise de plomberie.

L’identification au signifiant imaginaire

Mr V dit « ça m’a donné la rage ». Ainsi, à l’injonction maternelle « tu devrais travailler plus au lieu de faire des maquettes », il s’identifie pleinement à la demande de la mère : « tu devrais travailler plus » et il refoule l’activité créatrice des maquettes. La colère, les cris, les baffes, le poussent à quitter le lieu où il est pour endosser le trait de la mère avec un petit décalage car il investit le registre manuel (la plomberie) et ça marche. Il travaille et devient à la fois Monsieur « encore mieux » (plus de bureaux, plus de salariés, plus de clients…) sans pour autant pouvoir en jouir : « J’en veux toujours plus ». Bien que fondateur, il est aussi celui « qui fait », qui répare avec ses gars les fuites chez les clients. Et lorsqu’en arrêt de travail suite à son burn out, il arrive dans ses bureaux sans avoir de tâche à faire, il se sent « en trop ». L’identification au signifiant maternel écrase la jouissance.

Mais, faisons une petite incise sur la question du corps, Mr V dit : « j’avais un bec de lièvre et un bras déformé, je me suis jamais trouvé bel homme, mes muscles sont dysharmonieux, j’ai les jambes cagneuses, mon nez est disproportionné ». Avec la « rage », il refoule provisoirement sa difficulté avec ce semblant du corps du  phallique, du beau corps, au profit de l’énergie, de la partie travailleuse du corps. Il devient d’ailleurs un « manuel ». Le corps est ainsi investi sur le mode du jouir du travail, au profit du signifiant maternel.

Le nécessaire surgissement de la jouissance

Questionné dans son rapport à la jouissance lors de sa 1ère relation amoureuse, Mr V fait face à une terrible perte « il perd tout » lorsque son amie le quitte pour un autre « qui la fait plus rire ». C’est l’effondrement dépressif. Le droit à la jouissance est interrogé et la solution identificatoire provisoire au signifiant maternel du « pas assez » est dénoncée par la femme. Et c’est la solution métonymique qui est privilégiée : Mr V. trouve une autre femme et continue.

La rupture de l’aliénation signifiante et le déclenchement du burn out

Celui-ci se produit dans un contexte à double dimension. Le 1er axe est professionnel : il vient d’acquérir un nouveau site en province qu’il doit réorganiser et relancer. Cette acquisition le sollicite donc du côté du signifiant maternel « encore mieux ». Le 2è axe est personnel : son épouse commence à sortir seule de son côté et à prend du plaisir ailleurs. C’est alors qu’il a brusquement la crainte de « tout perdre » dans une répétition de sa 1ère séparation Et c’est le Burn Out.

Pourquoi ? Le seul choix qui s’impose à lui pour garder sa femme est d’être du côté de la jouissance. Or pour être du côté de la jouissance sans créer de conflit avec le signifiant maternel du « encore mieux », il faudrait qu’il puisse cesser de « faire » dans son nouveau site pour y occuper une place de maître, c’est-a-dire entrer dans l’ordre symbolique du commandement et de la délégation. Or n’ayant pas réglé son rapport à la  dette il est condamné à assurer manuellement sa fonction de plombier sur le registre du faire. Pour diriger, il lui manque ce qui sous-tend l’activité d’un chef, c’est-a-dire le symbolique.

Mr V doit faire avec un père castré, mais qui n’a pas su jouir de sa castration, qui n’a pas su occuper la position du maître. Le père de Mr V, qui est garagiste, passe des années laborieuses et douloureuses à réparer, transformer un vieux hangar en un garage flamboyant, garage qu’il revend, à peine est – il terminé !  Ainsi, le père a travaillé, il a « fait » (« Mon père réparait tout, il faisait tout ») mais il n’a jamais pu accéder la position du maître qui jouit de ses biens. Il transmet le faire, il transmet la castration dans le sens du travail mais il ne transmet pas la valeur ajoutée, ce delta de jouissance qui nous reste du travail.  Ainsi, Mr V, tant qu’il ne peut nommer sa position phallique : « c’est moi qui ai créé cet empire » ne peut sortir du faire, de la jouissance du regard de l’autre pour diriger. C’est la position du sujet responsable qui, quand il a payé sa dette de la castration, peut être maître.

Conclusion

Mr V arrive à avoir une maîtrise manuelle, à être le maître mais il n’arrive pas à jouir de la maîtrise. Il désire mais il n’arrive pas à aller jusqu’au bout, à jouir de son objet. Il lui faut assumer pleinement sa castration, assumer la perte, le gain, en faire quelque chose. Mr P se rend compte de façon intuitive qu’il peut trouver un au-delà du plaisir, il réalise qu’il est possible de pousser le désir plus loin et de jouir. Il comprend petit à petit que s’il perd (de la puissance phallique), il transforme la jouissance en plaisir, en reconnaissance.

La « dépendance hypnotique » est une forme de dépendance imaginaire, dans laquelle le sujet s’abime dans le sur investissement de sa fonction professionnelle et ignore cette part obscure en lui et qui concerne son rapport à la dette ou au lien. Lorsque le sujet doit répondre de sa place de sujet responsable, cela ne suit pas. Autrement dit, la dépendance hypnotique ouvre tout au plus, la voie de l’idéal, un idéal sans limite. Le sujet peut imaginer, certes qu’il est le conquérant ou un grand artisan plombier, mais quand il doit répondre dans le registre de l’ordre symbolique, il doit sortir de l’état l’hypnotique, et en quelque sorte se réveiller, quitte à rencontrer l’horreur de l’objet.

Comment, en tant que thérapeute, permettre à un sujet de se réveiller de cet état ? Est-il possible de séparer le sujet de son aliénation à ces signifiants qui l’ont construits mais aussi malmenés et détruit ? Pour séparer le sujet du signifiant maître où il est fixé,  il faut qu’il puisse trouver un autre signifiant, qui lui permette d’accéder à un « savoir travailler », un « savoir-faire avec son symptôme » autrement et qui s’accompagne non pas de la jouissance mortifère qui sature mais d’un plaisir et d’une satisfaction qui puisse préserver la place précieuse du manque. Il s’agit de délester le sujet de ce qui le sature pour éviter que la jouissance ne recouvre ce qui est précieux et qui fait l’intime du sujet : son manque.

Anne-Sophie Cheron, Psychologue Versailles, R’acorps perdu », Centre Hospitalier Sainte Anne, soirée de l’APCOF du 25 Novembre 2015 : « la dépendance hypnotique au travail ».

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